VALÉRY DEMORY : « Au fond de moi-même, j’ai senti que c’était le bon moment pour arrêter »

Après la superbe carrière de joueur que l’on sait, l’ex-meneur de jeu de l’équipe de France, Valéry Demory (62 ans) nous a annoncé officiellement son clap de fin sur les bancs au terme de la saison en cours. Une future retraite dont il assume parfaitement le choix, serein, lucide, ambitieux pour la fin de l’exercice actuel et avec le sentiment d’avoir été chanceux tout au long de sa carrière. Entretien avec l’entraîneur mythique du BLMA, personnage attachant qui a parlé par ses résultats, à qui on ne peut que souhaiter de partir avec un trophée de plus au printemps et qui va laisser assurément un grand vide en mai prochain.

Valéry Demory a accumulé les titres sous les couleurs du BLMA. PHOTOS PIERRE DUPERRON

  • Le BLMA est actuellement 2e en championnat, quart de finaliste de la Coupe de France et 8e de finaliste de l’Eurocup et plus si affinités, cette première partie de saison est satisfaisante ?
    Oui, mais on aurait pu faire mieux en évitant de perdre un ou deux matches qui étaient tout à fait à notre portée.
  • Vous avez donc décidé de mettre un terme à votre carrière à la fin de cette saison, pourquoi ce timing de l’annonce en pleines fêtes ? 
    Eh bien, parce que beaucoup de gens me posent la question de savoir si j’allais refaire un an, pas refaire un an, pour mes joueuses, certaines le sachant déjà, pour la clarté du club aussi, afin qu’ils puissent travailler pour l’avenir dans la sérénité. Je trouvais que c’était le bon moment, en cette fin décembre de l’annoncer, il n’y a pas de match, et c’était le bon timing à mon sens avec le désir d’être loyal envers tout le monde puisque j’avais pris ma décision.
  • Un quart de siècle sur le banc après vingt ans de carrière de joueur à haut-niveau, c’est énorme ! Vous êtes aujourd’hui à bout de course mentalement, physiquement ou bien c’est autre chose ?
    Non, c’est… bon déjà les déplacements ça me pèse, ça me pèse beaucoup. Quand il faut partir une semaine sans rentrer, ça c’est long quoi, c’est dur, j’ai commencé à le ressentir la saison dernière. Ce qui me gêne, ce n’est pas le fait de partir aux aurores récupérer un avion… c’est le temps que je perds à ni entraîner, ni coacher pendant tous ces voyages, le temps qu’on perd dans les avions, dans les aéroports, les hôtels dans l’attente de l’heure du match… en sachant que je pourrais faire autre chose à la maison. C’est ça qui me pèse le plus. Après, entraîner, j’ai tout le temps envie de transmettre ma passion, quand je coache, j’aime bien gagner, ça ça n’a pas changé. Mais il y a une lassitude et c’est un métier où l’on ne peut pas se permettre de ne pas être à 100%.
  • En dehors de cette pige pour donner un coup de main et essayer de sauver l’ALM Evreux en Pro A en 2001 sur les play-down, vous avez toujours connu des épisodes prolongés : 7 saisons à Mourenx de la N3 à la Ligue féminine, 15 saisons au BLMA en deux périodes, 4 au LDLC Asvel… vous aviez ce besoin en arrivant dans un club de vous inscrire dans la durée ?
    Non, je n’ai pas de besoin spécifique mais à partir du moment où j’étais bien dans un club avec les gens qui y travaillaient, je restais mais je ne me suis jamais posé la question comme ça. Quand je suis venu à Lattes- Montpellier d’ailleurs, le président d’alors, René Dufrène m’avait dit « je ne sais pas si vous êtes un bon entraîneur ou quoi » et je lui avais dit, « Ben, signez-moi un an et puis si ça ne va pas, on se séparera. Au bout du compte, je suis resté dix ans, avant de partir à Lyon et de revenir. » Je suis donc plus dans ces challenges là que de me dire à mon arrivée, « je vais faire 3-4 ans ».
  • Le plus bel exemple est effectivement le BLMA où René Dufrène vous signe pour un an à l’été 2016 et où vous restez en fin de compte ces dix saisons en binôme avec son successeur, René Comes… deux présidents qui nous ont du reste quittés au cours des treize derniers mois !
    Oui, si je suis arrivé au BLMA, c’est grâce à René Dufrène  et si j’y suis resté dix ans, c’est grâce à René Comes. C’était deux hommes très différents dans leurs personnalités mais que j’appréciais.
  • Vous aviez quitté le BLMA pour l’Asvel avec des moyens financiers plus importants, de grosses ambitions. Tony Parker a mis un terme à l’aventure après 4 ans, une saison avant le terme de votre contrat. Que retenez-vous de cet épisode lyonnais ?
    Oui, enfin surtout des grosses ambitions au départ parce que je n’avais pas de moyens financiers exceptionnels. Les deux premières années, je ne pense pas qu’on avait un budget supérieur au BLMA, il était inférieur peut-être même. L’année où on est champion (2019), à part Alysha Clark avec un bon salaire, je n’avais pas de Top joueuses comme des Sandrine Gruda et certaines qui ont suivi. Quand j’ai décidé de partir à l’ASVEL, j’ai voulu rentrer dans un nouveau challenge, celui de disputer le Final Four de l’Euroligue. Mais lorsque je suis arrivé là-bas, il y avait tout à faire, l’équipe s’était sauvée in-extremis, il a fallu faire le ménage, monter une équipe qui tienne la route et ça c’était un challenge qui me plaisait. Au final, j’aurais voulu aller un peu plus loin ! Je ne suis pas parti amer de là-bas mais avec des regrets parce qu’à ce moment là, ça n’était plus moi le patron de l’équipe…
  • Vous revenez au BLMA après l’éviction prématurée de Stéphane Leite un peu comme un joueur qui aurait envie de « revenir aux sources » pour boucler la boucle ! Ce retour était écrit, cette saison là ou bien une autre, ou est -ce que ça a été une pure opportunité ?
    Non, il n’y avait rien de programmé du tout dans ma tête, ça s’est fait comme ça par hasard, les hasards de la vie.
  • Vous avez également connu une courte expérience aux rênes de l’équipe féminine de Belgique quand vous étiez une évidence pour beaucoup à la tête des Bleues. Il y a un regret sur le sujet ?
    Non, non, l’expérience avec la Belgique a été fantastique parce que je suis parti dans un pays que je pensais bien connaître puisque je suis né dans le Nord. J’ai fait mon travail, révolutionné l’équipe de Belgique, composé une nouvelle sélection, j’ai enlevé certaines joueuses, j’en ai amené d’autres que Rachid Meziane (son successeur, Ndlr) a conservées, preuve que je ne m’étais pas trompé. Et puis après, ça s’est gâté avec une partie de la Belgique, la moitié du pays (le souci entre la Flandre et la Wallonnie, Ndlr), mais c’est comme ça… Pour le reste, je n’attendais rien de l’équipe de France ni de la Fédération Française de Basket-Ball, je suis content que ce soit Jean-Aimé (Toupane) qui l’ai pris. On a un beau rapport de confiance tous les deux.
  • Votre carrière de coach, la pige Evreux à part, a été 100% féminin, est-ce que vous pensez avoir été étiqueté « coach de filles », vous privant du même coup d’un passage chez les masculins ?
    Je n’en sais rien mais ce que je sais, c’est que le basket masculin et le basket féminin sont deux mondes différents. Après, le basket, c’est le même, quand j’ai arrêté ma carrière de joueur en 2000 et que je suis venu entraîner les filles à Mourenx, on a enchaîné les montées et je n’avais jamais coaché des filles, c’est n’importe quoi de dire que l’on ne peut pas entraîner chez les unes ou les autres selon votre passé.
  • Quand est-ce que vous avez véritablement pris votre décision dans votre tête et êtes-vous certain de ne pas avoir le moindre regret ? 
    J’ai pris ma décision en mai-juin 2025, au terme de la saison dernière. J’avais annoncé à mes dirigeants parce que je voulais les prévenir à l’avance, que ce serait ma dernière année. Des regrets ? Non, ça je n’en sais rien mais au fond de moi-même, j’ai senti que c’était le bon moment pour arrêter. Après rien ne dit que dans six mois, je ne me mette pas à entraîner des poussines, des benjamines… Un jour ou l’autre, je reprendrais des jeunes mais pas plus haut parce que au fond de moi-même, cette flamme d’apprendre le basket que j’ai appris à Denain (sa ville de naissance), je l’ai toujours en moi, donc je ne dis pas qu’un jour, je n’aurais pas à nouveau cette envie de transmission à des jeunes, oui, ça  c’est très possible.
  • Entre les carrières de joueur et d’entraîneur, toutes deux très riches en titres et forcément très différentes, est-ce qu’il y en a une que vous avez préféré et pour quelle raison ?
    Oui, j’ai préféré ma carrière de joueur (sourire) parce que tu maîtrises, que tu as le ballon. J’ai des frustrations à quasiment chaque match, des fois je suis frustré parce que je vois des choses que mes filles ne voient pas tout le temps, mais ça c’est normal.
  • Y a-t-il un club que vous auriez rêvé d’entraîner un jour, en France, à l’étranger ?
    Non non, pas un club à l’étranger. S’il y avait eu un club que j’aurais aimé entraîner, je vais dire Denain, mon club local ou éventuellement Cholet avec qui j’ai vécu des grands moments aussi. Mais ça ne s’est jamais passé comme ça dans la mesure où je suis directement parti chez les filles. Mais ça n’est pas un regret, je parlerais plutôt d’un rêve d’adolescent et un rêve de jeune joueur. J’ai vraiment été très heureux chez les filles et je ne me voyais pas partir ailleurs. J’ai eu, à l’image de Gabby Williams, la Française qui me fascine le plus, la chance d’entraîner de très très grandes joueuses dans ma carrière.
  • Quel est votre meilleur souvenir ?
    Je ne sais pas, j’en ai eu tellement que c’est vraiment difficile d’en ressortir un. J’ai eu de la chance dans ma vie, je voudrais juste terminer là-dessus, j’ai eu de la chance : j’ai voulu faire une carrière de joueur, j’ai fait une carrière de joueur sans connaître de grave maladie ou de grosse blessure qui me stoppe, j’ai voulu entraîner derrière, j’ai fait une carrière d’entraîneur, j’ai été chanceux et je ne sais pas à cause de quoi ou de qui. Oui bien sûr, ça se provoque la chance, mais parfois tu la provoques et ça ne vient pas !
  • Quelle image tenez-vous à ce que les gens conservent de Valéry Demory, stratège du coaching et personnage modeste ?
    Je n’en sais rien, c’est plutôt aux autres de le dire qu’à moi ! J’ai fait ma vie, j’ai fait ma carrière sans me poser ce type de question. Si demain, je m’en vais et que j’ai zéro hommage ceci cela… ça me va très bien, je m’en fous, je ne cours pas après ça. Ce que diront les gens, ma fois, il y en a qui m’aiment, d’autres qui ne m’aiment pas, mais c’est la vie ça, on ne peut pas plaire à tout le monde.
  • Quel va être l’après pour Valéry Demory ? 
    L’après, ça sera déjà de suivre la santé de Sandrine (sa compagne), c’est le premier truc le plus important. Le deuxième point, en fonction de sa santé, c’est que l’on va faire tout ce qu’on n’a pas pu faire à cause du basket, pendant que j’étais à fond dedans, on va profiter de la vie. On déborde de projets.   

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